LAEP : l’art subtil de valoriser et d’accompagner les parents

Laep

Pour mener à bien cette étude intitulée « Les lieux d’accueil enfants-parents, un espace de valorisation et de soutien des parents » et parue le 13 décembre sur le site caf.fr, leurs auteurs ont sollicité, entre mars et décembre 2021, 6 structures implantées dans deux départements et sur des territoires « contrastés » (quartiers prioritaires, zones résidentielles, milieu rural). Leur méthodologie : une combinaison d’observations ethnographiques et d’entretiens semi-directifs notamment des parties prenantes (gestionnaires, accueillantes, familles…). Leur objectif : « approfondir les connaissances sur ces dispositifs. » Le décor est planté.

Une question centrale ?   

De ces quelques mois d’observation est ressortie une grande question : « Comment soutenir et accompagner les parents dans l’apprentissage et l’exercice de leur parentalité, dans le respect de leur autonomie, sans toutefois renoncer à leur proposer un certain nombre de repères (…) ? », lit-on dans l’enquête. En d’autres mots, comment faire coïncider la neutralité et la bienveillance des lieux ainsi que le non-jugement des accueillantes, qui constituent l’ADN même des Laep, et un véritable accompagnement de la parentalité ?

Dans la lignée de cette première interrogation, les auteurs ont cherché à comprendre « les tensions au cœur du fonctionnement des Laep – entre appel à l’auto-régulation parentale et régulation par les accueillantes, » d’une part et entre le « respect de la sphère priviée et (la) mobilisation des référentiels de l’action publique », de l’autre. Qu’entend-t-on par tensions ? Loin d’être négatif, le terme décrit plutôt l’effort d’adapation constant des équipes des Laep. Celles-ci ajustent en permanence leur activité pour prendre en compte leur expérience, celle des familles, la posture traditionnelle des accueillantes (non-jugement et non-intrusion) et leur mission de soutien à la parentalité. Une véritable richesse intimement liée à la spécifité des laep : « L’identité des gestionnaires (…), le lieu d’accueil, la formation initiale et la profession des accueillantes ou encore le profil des accompagnantes des jeunes enfants marquent chaque lieu d’une identité propre », lit-on de même source.    

Un cadre commun     

Aussi uniques soient-ils, les Laep se rejoignent sur l’essentiel, à savoir un cadre commun et tout particulièrement :

  • l’aménagement des espaces d’accueil : les espaces, généralement éphémères des Laep, sont toujours aménagés pour « créer des conditions favorables au développement entre le parent et l’enfant », dans une scénographie « reproduite et ritualisée » pour le public, précise l’étude.
  •  la posture d’accueil : la compétence parentale est centrale et valorisée par une posture de neutralité de l’accueillante qui veille à respecter le non-jugement  et la non-intrusion.

Des trajectoires professionnelles variées 

Commune à tous les Laep, cette posture reste toutefois influencée par les trajectoires professionnelles des accueillantes dont l’étude fait ici un bilan :

  • Les accueillantes composent « un groupe hétérogène, en termes d’âge, de formation initiale et d’activité professionnelle », souligne l’étude. On retrouve ainsi tour à tour des psychologues, des EJE, des sages-femmes, des animatrices en centre social, une puéricultrice ou une pédiatre, « certaines sont à la retraite, d’autres indépendantes ou mises à disposition par leur structure, » lit-on de même source. A noter : l’échantillon de Laep seléctionné n’a pas permis de mettre en avant le bénévolat de certaines accueillantes, mais il reste toutefois une réalité forte dans certaines structures.
  • Elles s’investissent dans le Laep tour à tour, par engagement (le dispositif est alors considéré d’utilité sociale), par volonté de réconciliation professionnelle (le LAEP est alors un « espace d’épanouissement dans la manière d’accompagner le public »), ou par opportunité de monter en compétences.

Cette diversité fait la force des Laep et explique aussi les efforts d’adaptation et d’ajustement dont font preuve les équipes. En effet, dans les Laep observés, « les accueillantes interviennent aussi ailleurs (en EAJE, en centre social…). Leur posture en Laep va donc différer selon leur rôle, tout comme leur expérience en Laep va irriguer leur pratique dans leur dispositif d’origine. Elles viennent avec leur expérience professionnelle et repartent dans leur fonction principale avec les questionnements et enjeux identifiés au Laep », souligne Anne Unterreiner. Et de préciser : « Il y a ainsi des vases communicants entre les dispositifs et sur les territoires ».

Chacun apporte donc, dans cette posture d’accueillante, son expérience propre et ceci d’autant plus que « le fonctionnement des équipes est peu hiérarchique », que les professionnelles « s’organisent de manière relativement informelle et le plus souvent pluridisciplinaires », lit-on dans l’étude. Une pluridisciplinarité perçue comme une réelle plus-value car elle permet de « répondre à l’accueil de la relation parent-enfant dans sa complexité, » explique l’enquête.

Une neutralité bien intégrée

   Mais comment se dessine cet apport personnel et quelle influence a-t-il sur la posture des accueillantes et le soutien des familles ? Comment rester neutre et non-intrusif, quand chacun, accueillante ou parent, vient finalement comme il.elle est, avec ses croyances et ses convictions ? Sur ce point, Anne Uterreiner est claire : « Dans toutes les interactions sociales, il y a des enjeux de valorisation et d’imposition des normes. Les équipes des Laep sont souvent conscientes qu’elles peuvent être très facilement dans l’imposition normative et que les parents sont aussi porteurs de normes qu’ils pourraient éventuellement imposer à d’autres parents du Laep. Les parents par contre, s’en rendent rarement compte », explique-t-elle. D’où là encore, un travail d’équilibriste des accueillantes, qui s’avère efficace comme le rappelle l’étude.

En effet, comme l’indique l’étude, « les efforts constants des accueillantes pour faire du Laep un espace neutre, relativement protégé des injonctions normatives qui circulent « à l’extérieur » n’en font pas pour autant un espace vide de tout discours ou de tout savoir sur la parentalité ». Au contraire, « des messages de parentalité y circulent », soit autant de cadres (normatifs donc), ou de repères proposés par les accueillantes et permettant aux familles de réaliser leur travail d’autorégulation. Le cadre, suggéré, participe donc au soutien à la parentalité.

Des registres d’intervention adaptatifs   

C’est donc inévitable : les injonctions normatives s’invitent dans les Laep. Et les accueillantes savent y répondre, comme le souligne l’enquête de la Cnaf, selon laquelle l’effort d’adaptation se fait en fonction de l’observation faite sur le terrain, « allant de l’accompagnement des familles pour favoriser l’autorégulation de leurs liens familiaux, à des interventions plus directes » des accueillantes, lit-on de même source.

Plus concrètement, « Lors des temps d’accueil, chaque professionnelle effectue son analyse propre, évalue le fondement de son intervention ou non, en fonction de la situation et de sa focale. Par exemple, quand les interactions entre les familles évoluent vers une question de santé, elle peut décider d’intervenir au vu des connaissances qu’on a sur le développement de l’enfant, ce qui peut aboutir à une transmission de messages de parentalité. Elle peut aussi décider de limiter son intervention à une régulation des parents si l’un d’entre eux à des propos qu’elle estime être trop injonctifs. Parfois encore, elle pourra favoriser le lien parent-enfant en verbalisant ce que fait un enfant pour recentrer l’attention du parent sur lui, etc. », illustre la sociologue.

Et les parents dans tout cela ? 

Si l’étude souligne que, côté familles, le public le plus souvent accueilli dans les Laep observés consiste essentiellement dans des enfants non scolarisés, généralement accompagnés de leur mère, la majorité de celles-ci étant sans emploi, ce n’est pas là l’enseignement le plus intéressant de ces travaux. Après tout, l’étude étant centrée sur un échantillon de 6 structures, difficile d’extrapoler à l’échelle nationale. D’autant plus que l’observation du public s’est déroulé à un moment particulier, à savoir la rentrée 2021, soit « après des mois de pandémie qui avaient donné lieu à la mise en place de jauges dans ces structures », rappelle Anne Unterreiner. Ajoutez à cela la période de rentrée, « qui est toujours une forte période de turn-over, avec la scolarisation de certains enfants qui fréquentaient auparavant les lieux », et on comprend mieux que le public observé dans le cadre de l’étude était plutôt plus sensibilisé aux Laep que d’ordinaire.

Au-delà de cette particularité, une conclusion de l’étude est particulièrement intéressante : « Dans les Laep, les attentes des parents sont plurielles », souligne la sociologue. Ce qu’ils recherchent ? « Un moment de sociabilité pour elles-mêmes dans une volonté de rompre avec la solitude et l’isolement », « une visée pédagogique centrée sur le développement de l’enfant », « le réconfort d’un lieu de soutien et d’accompagnement individualisé », « une valorisation et une légitimation de leurs compétences » ou simplement « un espace de divertissement pour l’enfant », lit-on dans l’e-ssentiel. Gageons qu’au vu des la capacités d’adaptation des professionnelles observées, ces besoins trouveront aisément une réponse.

Des lieux toujours mal identifiés   

Reste toutefois une explication à cette pluralité d’attentes : « Les parents ne sont pas toujours au clair sur ce qu’est un laep. Ils peuvent même avoir du mal à identifier les lieux car ils ne sont pas affichés comme tels », analyse Anne Unterreiner. « Il est important de faire comprendre au public que les Laep ne sont des lieux, ni d’information, ni d’animation, ni un mode de garde… et donc aux partenaires de communiquer dans ce sens. Mais comment ? » s’interroge-t-elle. A bon entendeur !  

Article trouvé sur Les pros de la petite enfance.